from where I stand

I don’t know what she’s so mad about – from where I stand, I did nothing wrong!

Cela fait des mois que je n’ai pas écrit ici. Cela fait des mois que j’avance sans boussole. J’ai esquissé ici et là quelques mots sur Lettre à John, mon premier long métrage. J’ai écrit un article qui en parle, et puis j’ai tout de suite replongé ; car finir Lettre à John, et mener une vie professionnelle, fonde un gouffre dans lequel je me suis perdu pendant les derniers mois. Ce gouffre, c’est celui d’un homme con, d’un jeune homme qui ne veut jamais faire ce qu’on attend de lui, ou qui ne sait pas dire non. Les pérégrinations d’un Gabriel trop curieux. Curieux au point qu’il a passé les derniers mois loin du cinéma, et que cela continuera sans doute. Curieux au point que sa vie se scinde, entre deux pôles, et qu’alors tout le Gabriel du passé perd sa vraisemblance.

J’ai réalisé mon premier long métrage, et pourtant, je ne suis plus un réalisateur.

Explication :

Dans ma grande détestation des standards de vie bobo-artistique, j’ai toujours pensé qu’il fallait avoir deux vies. De nature intenable, je n’imagine pas passer les moments creux à regarder les feuilles tomber : je n’en suis pas capable. Plus encore, je crois que n’avoir qu’une seule vie : étudier le cinéma, puis faire des tournages, puis faire des films, me rendrait absolument inintéressant. Je ne suis pas un intellectuel ; et je crois qu’il faut cela de vie pratique, de vie tout court, pour la répercuter dans l’art que l’on produit. La vie classique d’un aspirant cinéaste m’a toujours semblé semée d’embuche et de dépression latente, mais surtout, source d’un appauvrissement du moi menant à une veine surestimation égocentrique. « Ils verront bien ce qu’ils verront ! » pense le jeune réalisateur en portant la poubelle de la régie. Ce n’est que ma vue, bien sûr, mais j’avais peur de tomber là-dedans.

Dans cette idée donc, je commençais en Septembre un stage en Production, ce qui me causa une pire dépression que l’idée précédente. De surcroît, je ne pouvais pas monter mon film, alors je plantais ce stage de manière fort peu honorable. Chris apparut alors comme une lumière dans ma vie, travaillant sur son projet de toujours : Bimboum. Parler de tout ça serait hors sujet ici, mais en gros, je pris alors une place fort intéressante dans la société, une place associée à des avantages liés au respect de Chris pour mon travail, qui au risque de se sentir seul, me laissa travailler sur Lettre à John, me laissa vivre ma vie, moyennant un investissement nuit et jour de ma personne le reste du temps. Je suis loin de m’en plaindre.

Lettre à John fût projeté à l’équipe et à la famille le 10 Mars ; puis j’étais pris (avec Jean-Baptiste) d’un blues phénoménal, rapidement couplé à l’augmentation du volume horaire de mes activités professionnelles. Et de là, alors, la décadence. 

La décadence, oui, car finir le montage Lettre à John ne signifiait pas finir le film. Je l’amenai à quelques personnes qui m’en firent un retour prometteur. Je l’envoyai à vau-l’eau dans les festivals, mais chaque jour, pourtant, le vide se fit de plus en plus grand. Mon bébé était parti, et les festivals commencèrent à répondre négativement, ce qui est toujours dur. Sa vie est loin d’être finie pourtant, et j’ai bon espoir dans d’autres festivals.

L’espoir, toujours. Ce matin, en reprenant ce site en fraîche décrépitude, je relisais et réécrivais de nombreux paragraphes. L’espoir de Lettre à John en Festival, l’espoir de For A Walk, de C’était du Cinéma, et le nouvel espoir de LORA (futur scénario de long)… On dirait que je n’ai que ce mot à la bouche. C’était aussi l’occasion de redresser la liste de mes films, de la ré-agencer et de me surprendre alors d’une cohérence ; d’une évolution. 

De là où je me tiens, je crois que je ne suis pas très en retard. J’ai toujours eu cette injonction, pourtant, à aller vite, plus vite encore, à vouloir tout casser par chacun de mes projets. Et pourtant, je crois que je ne me porte pas si mal. Je tournais Paul et Elle, mon premier court métrage, en Janvier 2019. J’étais alors tout jeune, tout juste sorti de l’œuf. Six mois plus tard, forte volonté formelle, je tourne le film maudit CORPS, qui passera dix mois en post-production. Dans ma filmographie dite « officielle », on sauterait alors directement à Lettre à John, tourné en Septembre 2021, soit à peine 3 ans après le tout début. Pourtant, ce serait oublier 4 courts métrages et 7 monologues, ainsi qu’un autre scénario de long. J’ai commencé Paul et Elle en faisant tout, et j’ai tout légué dans Lettre à John. Je suis passé d’un langage ennuyeux, à un langage surfait, à un non langage. J’ai fait tout ça, dans la plus vive liberté, comme une recherche inlassable de la vérité ; sans argent, avec les acteurs du bords : mes amis. Que serais-je aujourd’hui sans Jean-Baptiste ? Qui a composé la musique de 4 de mes films. Que serais-je sans Damas ? Sans Marion ? Et sans tous les autres qui m’ont tant donné. On me demandait hier si je m’entendais bien avec mes acteurs, si ce n’était pas dur, de se battre avec leurs egos ? Mais la réponse se trouve dans la simplicité de ma relation avec eux : ils savent.

Je crois donc que j’ai évolué jusqu’à la limite de l’auto-production, jusqu’à la limite de ce système intime que j’ai tant chéri. Aujourd’hui alors (et peut être que je me trompe), il ne faut rien d’autre que de l’espoir, et un peu d’acharnement ; car après une parenthèse dans la vie civile, je reprendrai les bribes amorcées ici.

Je ne suis plus un réalisateur, et je ne l’ai jamais autant été.

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