(On a fait un long avec Isée, Juliette, Rime et Jean-Baptiste : Lettre à John)
Je ne suis pas un militant. Il fallait que je commence par là, je crois. Comme Leo Proudhammer, l’homme qui meurt[1]Sans doute le meilleur livre que j’ai lu de ma vie. de Baldwin, j’ai bien du mal à représenter quoi que ce soit. Heureusement, on ne me le demande pas. Comme Leo, je crois être un peu un artiste. Je ne sais pas ce que ça veut dire, et je ne sais pas l’expliquer à mes parents. J’aimerais vraiment être un type normal, poursuivre des études normales, et ne pas penser à autre chose que si la société va m’accepter. Mais je suis là, hors étude, complètement perdu entre autre, à vivre une vie qui ne sera jamais que la mienne. J’en ai tant de la fierté que de la pitié, un peu honte aussi. Un peu honte de ne pas savoir vivre comme les autres. Hier, je sortais d’une séance d’un film sur un homme qui meurt[2]Le soporifique mais marquant Seule la terre est éternelle., quand je croisai des jeunes. De mon âge sans doute, peut être un peu plus jeunes ? Ils sortaient, ils étaient en groupe à s’amuser ; moi j’étais seul. Ils avaient l’air beaucoup plus jeune que moi, mais ils ne l’étaient peut être pas. Je n’ai jamais eu l’âge que j’aurais dû avoir. Ma jeunesse n’a jamais existé, et pourtant, je suis quand même jeune. Je tatonne, je ne connais personne. J’ai sans faire exprès sauté une étape, trop d’étapes que j’ai enjambées et regardées en riant sur le bas côté, mais trop d’étapes que je n’ai pas faites, et quand j’arrive sur les reliefs d’aujourd’hui, je suis peut être, moins préparé. Comme en randonnée, j’ai des ampoules aux pieds. J’ai du mal, chaque jour, à savoir où je vais. Enfin bon, comme tout le monde.
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