Auteur/autrice : admin4639

  • 4commaille

    Il est toujours tentant, rétrospectivement, de romancer la première rencontre. Celle de l’occupant avec la chambre de bonne située au 6ème étage du 4 rue de Commaille avait alors, toute proportion gardée, l’aspect d’un coup foudre. Une seule visite conquis l’occupant, qui vit dans ces combles aménagées l’espoir d’une vie parisienne florissante. De retour en sa province, il imagina en ces proportions un mystérieux plan incluant un hamac dans la longueur. Par miracle, l’agent immobilier rappela.

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  • L’élevage en fût

    C’est une analogie bien trop bancale qu’on ne se refuse pas. Il existe une ressemblance, évidente, entre la production du vin et celle d’un film. Commençons par des vignes, toutes simples, de grandes lignes bien droites comme des mots sur un papier. L’hiver, on taille, on se laisse vivre, un peu. Au printemps, on épampre, on lève les rangs… On prépare. Et puis, chaque année, à la fin de l’été : les vendanges, le tournage. Le temps nous est compté, il faut ramasser tout ce raisin avant qu’il ne pourrisse sur pied. On laisse passer la pluie. On appelle ses amis parce qu’il faut plus de bras ! Plutôt commencer par le haut de la propriété, là ou le raisin est le plus mûr. On tourne des scènes dans le désordre, on bois un canon à la pause, on porte des caisses de raisin ou des projecteurs.

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  • L’époque de Peretti

    Il convient de se poser des questions d’ordre morales sur ces réalisateurs qui ne filment qu’au passé. Pensée rétrograde ? Nostalgique ? Mais se pose t-on des questions sur ceux qui ne filment qu’au présent ? Particularisme Corse en la matière, Thierry de Peretti, qui vient de sortir le majestueux À son image, a un rapport à ces questions pour le moins fascinant. Ni vraiment dedans, ni vraiment dehors. De Peretti filme au présent et au passé, dans une danse habile, qui se termine toujours par cette réflexion à la fin du film : « c’était toute une époque ! »

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  • Cette étrange vie analogique

    Vous vous souvenez ? C’était en 2011, ou quelque chose comme ça. A l’époque, on introduisait les premiers Samsung Galaxy Note, les grands, gigantesques téléphones de 5,3 pouces. Je me souviens, dans le bus pour le collège, cet ami qui avait un de ces téléphones qui nous paraissait à l’époque protubérant. Ce terme qu’on avait alors donné à l’époque : « Phablette », une téléphone et une tablette réunies. Et puis le temps a passé, les phablettes sont devenues la norme, et l’écran de l’iPhone Mini (5,44 pouces) est devenu… Mini ! 10 ans plus tard.

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  • Ma passion pour le vent

    Par exemple, dans Le Miroir, la scène de la rencontre entre l’héroïne et l’inconnu, joué par Anatoli Solonitsyne, nous a paru exiger, à l’instant du départ de ce dernier, une sorte de lien pour unir ces deux personnages qui semblaient s’être rencontrés par hasard. Si, en partant, il s’était retourné pour jeter un regard expressif à l’héroïne, tout serait devenu linéaire et faux. C’est alors que nous est venue l’idée du coup de vent dans le champ, dont la soudaineté surprenait l’inconnu, et l’amenait à se retourner…

    Andreï Tarkovski, Le temps scellé, 1985.

    Est-ce pousser trop loin la psychanalyse que de dire le fait suivant ? Décembre 1999, une tempête ravage la France. La cheminée de la maison tombe, s’arrache. Clapotis des tuiles cassées sur le sol, de l’eau, du vent. Et moi, là dedans, tout juste en formation dans le ventre de ma mère. Les premiers sons, si forts qu’ils arrivent à mes oreilles qui n’existent pas encore sont ceux-là : le vent, les masses d’air qui s’emportent d’elles mêmes, frappent les murs, les feuilles, la mer. Février 2010, une autre tempête. Ma ville natale est coupée en deux. Au Nord, ils sont sous l’eau. Les maisons du bord de mer voient tout s’en-aller, un frigo avec les huîtres. Et moi, juste derrière, je dors comme un bébé. Le lendemain, j’attrape un appareil photo, et j’immortalise les images de l’après. Pourtant, je ne les imprime pas, j’en fais un montage vidéo.

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  • Cette étrange impression

    Elle nous saisit, comme ça, sans prévenir. On a du mal à le croire d’abord… Mais c’est une évidence. Cette étrange impression d’avoir vu un chef d’oeuvre. Pourtant, le film n’est pas si connu, pas si bien noté. Mais on est là, devant la salle de cinéma ou Boulevard Saint Germain. Je suis là et je sais. En rentrant chez moi, je sais que j’ai vu un chef d’oeuvre. 

    Bien sûr, ma version du chef d’oeuvre n’est pas la votre. Le chef d’oeuvre devrait être universel, et pourtant il ne l’est pas. Mais vous avez tort !! Car moi j’ai raison. Oui c’était un chef d’oeuvre, je le dit bien haut pour les critiques abonnés à l’air du temps. Aujourd’hui, comme peut être toujours, le cinéma est bien trop affilié à une vague réaction, un commentaire du temps qui passe.  Mais les vrais oeuvres, le vrai cinéma s’affranchit de tout ça. Le vrai cinéma – ce que j’appelle le vrai cinéma – n’est pas How to Have Sex ou autre film de l’époque. Ce n’est même pas le dernier Scorsese, bien que je l’ai trouvé si bon. Le vrai cinéma, pour moi, n’apporte aucun jugement moral sur ce qu’il montre. Il montre, et laisse réfléchir. Là est pour moi la condition sine qua non du chef d’oeuvre cinématographique : il nous laisse seul. A projeter du mieux qu’on peut nos petits bouts de pensées, qu’il renvoie en lumière et en son, qu’il perturbe, qu’il assaille. 

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  • Café soluble et croissant du four

    Une AeroPress, une cafetière à piston, un italienne, et un V60. Quatre cafetières, oui, le compte est bon. Quatre cafetières, et si je m’écoutais, au moins une de plus. Quatre cafetières, et pourtant pas moyen de bien faire du café pour deux. Quatre cafetières, c’est autant d’assiettes que dans mon appartement. Qui a autant d’assiettes que de cafetières ? Un minimaliste obsessionnel. 

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  • Tension interne à l’image

    Imaginez : des lions, des fauves africains de toutes sortes, tous plus dangereux les uns que les autres. Beaucoup de fauves, peut être une centaine. Ils se baladent dans une maison, ils se baladent dans l’espace humain. Comme si c’était le leur. Comme s’ils habitaient là. N’imagez pas. Le film s’appelle ROAR. 

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  • Au mieux, se trouver

    Il y a quelques jours, je partais seul à l’assaut des montagnes, à l’assaut des plateaux, à l’assaut du Vercors. C’est un voyage que j’avais préparé depuis des mois, que j’avais trop anticipé. J’en avais parlé à tout le monde, au point d’avoir peur d’en avoir trop dit. J’avais cette peur de recommencer l’échec douloureux que fût le Pays Basque de décembre dernier, où nous étions revenus, avec mon ami, cassés. Alors j’avais passé tout l’été à réfléchir comme un consommateur, à comment marcher plus léger, à comment randonner de manière raisonnée. C’était une réflexion aussi basse que philosophique, qui trouvait sa raison d’être dans le Vercors. En Septembre, rupture. La solitude, tenace. La perspective du Vercors gagne encore en profondeur.

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  • from where I stand

    I don’t know what she’s so mad about – from where I stand, I did nothing wrong!

    Cela fait des mois que je n’ai pas écrit ici. Cela fait des mois que j’avance sans boussole. J’ai esquissé ici et là quelques mots sur Lettre à John, mon premier long métrage. J’ai écrit un article qui en parle, et puis j’ai tout de suite replongé ; car finir Lettre à John, et mener une vie professionnelle, fonde un gouffre dans lequel je me suis perdu pendant les derniers mois. Ce gouffre, c’est celui d’un homme con, d’un jeune homme qui ne veut jamais faire ce qu’on attend de lui, ou qui ne sait pas dire non. Les pérégrinations d’un Gabriel trop curieux. Curieux au point qu’il a passé les derniers mois loin du cinéma, et que cela continuera sans doute. Curieux au point que sa vie se scinde, entre deux pôles, et qu’alors tout le Gabriel du passé perd sa vraisemblance.

    J’ai réalisé mon premier long métrage, et pourtant, je ne suis plus un réalisateur.

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