Jeudi soir, alors que j’aurais dû être en train d’absorber la vacuité de mon existence occidentale autour d’un verre avec des jeunes de mon âge, je me rendais à un rendez-vous pour jeunes se croyant trop intellectuels pour faire des choses de leur âge. Ce fût très intéressant, et à la fois un peu désolant, peut être, de voir que certains réfléchissent à beaucoup de choses, pour un seul but en fait : celui d’être le plus malin. Je n’y échappe pas, peut être. Peut être que ces phrases mal tournées ont pour seul objectif de vous faire croire que je suis le plus malin, ou peut être que j’essaie d’y présenter ma pensée de manière quelque peu divertissante. A vrai dire, je n’en sais rien. Je sais en tout cas, qu’en littérature, mes professeurs me détestaient.
Bref, après m’être restauré comme un startupper (nous étions à l’école 42), et soudainement pris d’une folle envie d’aller digérer au fond de mon lit (hamac), je décidais de partir. Je tombais là sur un homme très sympathique, qui, comme moi, cherchait la sortie.
Après quelques tergiversations, nous trouvions un jeune homme bien aimable qui nous fit sortir de là, puis nous nous perdions de nouveau dans le métro. Décidément, cela sonnait comme une métaphore de la vie que je mène actuellement, mais qu’importe, nous retrouvions vaillamment le quai et la conversation continua.
Nous étions donc sur la ligne très rapide que l’on nomme la quatorze, quand, peu de temps avant mon arrêt final, qui marquerait la séparation de Benoit (j’apprenais son nom dans un courant d’air) et moi, il me dit : « Ha, mais qu’est ce qui t’a amené au cinéma ? »
Je feignais la stupeur, ou plutôt, j’étais surpris. La question tourna dans mon esprit embué quelques fois. Heuuu – « C’est à dire ? » – « C’est pour des raisons techniques ? Artistiques ? » – « Réaliser réaliser » je bafouillais, comme si ce mot avait une quelconque signification à son oreille, comme si ce mot n’était pas qu’une valise. Dans ma tête, le fil de ma vie se déroula, c’est que j’étais rentré un peu par hasard, pour faire comme ma soeur, en section cinéma ; c’est que j’en étais tombé amoureux, mais pas en croyant que j’en ferais d’abord, et puis mon arrivée à Paris, la confirmation lente de cette envie, la nécessité surtout, du cinéma dans ma vie. J’aurais pu lui dire que j’étais né rue du Champollion, que vivre sans voir des films frolait l’insupportable, qu’ils m’avaient appris la vie, et tout ce que je suis aujourd’hui. J’aurais pu lui dire que la vie n’a de sens qu’à l’écran. Qu’ailleurs, rien ne semble jamais aussi clair, rien ne semble si concis, si vrai. Que ma vie n’est qu’un substrat, qu’un ersatz, de celle que l’on peut voir à l’écran. Que le cinéma n’est qu’une machine à rêve, mais peut être, comme en psychologie, une machine des possibles, qui imprègne l’être d’aujourd’hui d’un (in)conscient collectif. Que je ne suis rien que ça, comme lui peut être, que la somme des films que j’ai vu ; pas des images, car les images perdent de leur sens, il leur faut le mouvement pour s’exprimer, mais surtout, un grand écran, l’ambition du cinéma.
Alors j’ai dit : « à force de voir des films, on aime tellement ça, qu’on a envie d’en faire. »