EGO, subst. masc.
Définition de EGO, CNRTL.
PHILOS. [Chez Kant et ses héritiers] Sujet pensant en tant qu’unité synthétique à priori des représentations ou expériences.
“Oh non mais celui-là, il a un ego !”
La semaine dernière, j’envoyais à une amie un scénario auquel était attaché une petite bio de ma personne. Le texte, reproduit ci-contre pour preuve, avait été écrit dans un grand moment d’égocentrisme.
“Avec ses deux premiers courts métrages, Gabriel Chourrier a su développer une vision forte qui en a surpris plus d’un. Originaire de Charente-Maritime, il s’est formé sur le terrain en tournant de nombreuses vidéos documentaires. Son passage à la fiction avec Paul et Elle a révélé quelque chose, une certaine sensibilité humaine, qu’il s’est presque amusé à détruire dans son second court, CORPS. Les deux films, tournés à 6 mois d’intervalle, montrent une nette évolution qui s’est depuis perpétuée. En attaquant son premier scénario de long, le jeune auteur a fait une grande pause qui lui a permis d’entamer par l’écrit une nouvelle avancée. Plus mature et raisonné, il en a aussi profité pour tourner un petit projet très particulier, Jeanne, et pour développer son nouveau court métrage, Les marques.”
Quoi de plus normal alors, que je reçoive le lendemain.
“Ah bah ça va tu te prends pas pour de la mouise dans ta bio dit ! ><”
Pour ce qui est du scénario, je n’ai pas eu de réflexion ni de commentaire (oserais-je “un compliment), sans doute le fruit de six mois de travail était moins important qu’un paragraphe de dix lignes. Il va sans dire que je n’ai rien répondu, puisqu’après tout, je suis en tord.
C’est qu’on me l’a souvent dit. “Oh mais Gabriel, tu dis ce que tu penses, Ouhlala.” Ce blog d’ailleurs, cet article même est la preuve de mon égocentrisme. A 20 ans, j’ose m’exprimer, avoir un avis sur des choses, c’en est presque abject. Puisque voyez vous, le comble de la vertu est d’avoir beaucoup d’avis assez peu réfléchi sur un grand nombre de petites choses, de les disperser en fin de phrase sans jamais parler trop fort, car ne sait on jamais, on pourrait se faire entendre.
Là est l’inverse de ma vertu pourtant, il y a des domaines, un domaine, où j’estime avoir accompli quelques petites choses de rien. J’estime avoir travaillé, avoir lu, avoir vu des films, et c’est pourquoi j’ose parler librement de cinéma. Lorsque j’auto-écris cette biographie, je suis donc en plein acte d’ego, dans une auto-fiction où je raconte ce que je pense être la vérité, enfin la vérité maintenant, car après je change d’avis. Vous remarquerez d’ailleurs, que j’utilise bons nombres de superlatifs pour me faire mousser, puisqu’après tout, c’est bien moi le meilleur de cette planète. (Sans limite de temps, je couvre tous les âges et le futur aussi.)
Il serait interdit de parler de soi, il serait interdit de dire ce qu’on pense juste. Pourtant, cette position de “réalisateur”, de petit cinéaste débutant, c’est bien une position que j’ai mis du temps à affirmer. Je me souviens encore du lycée, quand en option cinéma tout le monde racontait ses petites histoires et que je ne disais rien, attendant, pensant qu’ils avaient plus de chose à dire, qu’ils en savaient plus. Hier encore, j’étais avec des inconnus (FUCK COVID), et alors je préférais les écouter parler, car ensemble ils en savaient bien plus que moi. Et j’en ai appris plus que dans les livres, de la vacuité du développement personnel.
Et puis quand on se retourne vers moi, j’aurais dit par le passé, “Moi, ha mais non je suis là, j’étudie oui, enfin ce n’est pas bien clair tout ça”, et j’ai maintenant décidé de dire “Moi, ha oui j’ai fait deux courts qui ne sont pas trop mal, et puis j’espère en faire un prochain, j’espère j’espère, si on me le permet.” Il y a donc une grande force à combattre dans ces propos, celle d’une volonté puissante qui réside en moi, la volonté d’écraser tout le monde, mais surtout mon inabilité à voir quelconque bien dans tout ce que font les autres, voyez vous, je suis le bien ultime.
Cessons un peu l’ironie et les verbiages et ma rage. Je crois surtout que cette petite qualité que j’ai acquise, celle de savoir qui j’espère être, est bien nécessaire à ma progression chaque jour. Paul Arden a écrit un livre, “It’s not how good you are, it’s how good you want to be”. Autrement dit, si vous n’avez pas un peu d’espoir en vous, un grand espoir en vous, vous n’irez jamais nulle part. Impossible de se voir faire un film si on n’est incapable de le dire. Je dis ça à mon ami qui j’espère se reconnaîtra, tant que tu ne parle pas de ce que tu fais, personne ne te respectera pour ça. En parler, c’est justement avoir l’humilité de s’avouer humain, au risque bien sûr de casser les oreilles des autres. Et que les réprobateurs prennent garde, la conception que vous n’osez afficher, vous l’avez sans doute bien cachée au fond de vous, vous rongeant de l’intérieur.
L’ego, c’est cette boussole, cette petite chose à titiller qui distingue Napoléon de moi. Ou Dolan de moi. ou Toi de moi. L’ego, c’est de ne pas mettre de majuscule à son prénom.