Représentation contemporaine des natifs américains

A la cérémonie des Oscars de 1973, une Amérindienne, Sacheen Littlefeather, monte sur scène à la place de Marlon Brando. L’acteur vient de gagner la statuette pour son rôle dans Le Parrain, et pourtant, il refuse l’honneur. Littlefeather donne alors un discours sur le traitement des Amérindiens à Hollywood et dans la société américaine. De Stagecoach à Hostiles, les Natifs américains sont des figures archétypales du cinéma. Dès son invention, des réalisateurs et acteurs natifs sont au pouvoir, mais leur souveraineté est vite perdue. Dans les années vingt, The Vanishing Indians, ou The Silent Enemy, parlants de la famine, montrent les populations en sursis. Le western gagne du terrain… Après la Grande Dépression, les indiens prennent alors le rôle qu’ils assumeront pendant des décennies, celui de guerriers ou de mystiques, de femmes hyperséxualisées. Pendant des années, les indiens perdent la bataille, avant de se faire rattraper par le mouvement hippie. Pourtant, l’image du natif est encore détournée par les blancs, qui cherchent à se refaire une morale. L’identité des Amérindiens est profondément liée à Hollywood et leur représentation est connue à travers le monde entier. Dans le documentaire Reel Injun, le réalisateur cris[1]Peuple autochtone d’Amérique du nord. Neil Diamond raconte son enfance, quand il se sentait obligé de jouer l’indien face au cowboy, et de porter des plumes et des costumes inspirés d’un peuple tout à fait différent du sien, le peuple des plaines. Car si l’identité indienne a été montrée par Hollywood, elle s’est surtout fondée sur un amalgame et une généralisation de l’expérience autochtones ; l’Indien d’Hollywood n’a jamais existé, et pourtant, il est connu de tous. Aujourd’hui, la simple représentation d’un Natif Américain se place alors dans une logique post-moderne, tellement le bagage cinématographique est lourd de sens.

Au travers de films tournés au présent, nous questionnerons la représentation contemporaine des Natifs Américains, dans le rapport qu’elle entretient avec son passé cinématographique. D’abord, nous étudierons l’héritage d’Hollywood sur l’identité amérindienne, avant d’analyser l’évolution des dynamiques de conflit. Dans une dernière partie, nous commenterons l’image du réel qui nous est donnée à voir, pour revenir à un autre archétype, celui de l’Indien sans espoir.

Puisque le sujet est très vaste, j’ai décidé de me focaliser sur un segment très restreint, celui représentant les populations autochtones vivant dans les réserves indiennes, de nos jours. Même si la majorité des Natifs vivent aujourd’hui en ville, la réserve indienne représente les individus au plus proche de leurs racines. L’intérêt de cette focalisation sur des films tournés au présent, et non sur des western classiques, c’est de voir la résistance des représentations cinématographiques, jusque dans le quotidien des Amérindiens. Le premier film de mon corpus est Thunderheart, un film de 1992 avec Val Kilmer, Sam Shepard et Graham Greene. Le film suit l’enquête de Ray Levoi, agent du FBI, sur une série de meurtre dans une réserve indienne. Levoi, né d’un père autochtone, découvre alors un complot et renoue avec ses origines. Smoke Signals de 1993, est le second film que je souhaite analyser. Il est reconnu comme le premier film écrit, réalisé, joué et produit par des Natifs, à avoir touché une large audience, et c’est un symbole pour la population autochtone. L’histoire est celle d’un buddy-movie : Thomas et Victor sont deux jeunes indiens vivant dans la réserve de Cœur d’Alene. Victor apprend la mort de son père à Phoenix, Arizona, ils voyagent alors pour récupérer ses cendres. Enfin, Wind River, réalisé en 2017 par Taylor Sheridan, scénariste notable de Sicario, est un film qui pourrait être qualifié de néo-western. Comme dans Thunderheart, il s’agit ici d’une histoire de meurtre et d’enquête par le FBI, mais l’accent est mis sur le personnage de Cory lambert (Jeremy Renner), chasseur pour l’U.S. Fish and Wildlife Service. Bien que blanc, le personnage est divorcé d’une amérindienne et vit sur la réserve depuis toujours. Le film enquête sur le meurtre et le viol d’une amérindienne.

L’héritage des figures passées

Comme analysé par Jacquelyn Kilpatrick dans Celluloïd Indians, la figure archétypale de l’Amérindien prend trois caractères principaux : d’abord stoïque, peu parlant, l’Indien se distingue ensuite en deux catégories : le medicine man, sage, exotique et connecté à la nature contre le guerrier sanguinolent, sans pitié, qui attaque et pille les blancs. Autrement dit, le bon, et le mauvais Indien. Ces stéréotypes sont présents dans presque tous les westerns, jusqu’à The last of the mohicans ou plus récemment Hostiles, qui jouent plus ou moins habilement de cette bi-partition. Ces images poussent surtout à la simplification, créant des rôles plats, sans avoir à justifier d’une quelconque psychologie. Dans nos trois films, montrant la vie contemporaine, c’est d’abord le côté stoïque et le rapport au mystique qui est revu et corrigé. 

Dans Thunderheart, un vieux sage vit dans une caravane. Au début du film, Levoi lui rend visite et l’homme lui raconte une vague histoire de visions, ce qui fait doucement sourire Levoi. Le sage alors, semble particulièrement dans son rôle, parlant une langue native, que Levoi se fait traduire. Dans une grande solennité, ils fument alors la pipe et font un échange assez cocasse : une paire de Ray Ban’s contre une pierre mystique. Le vieil homme a aussi vu un hibou, ce qui serait un signe. Passé cette première séquence, l’image du vieux sage, du medicine man censé guider le protagoniste blanc, s’avère être une profonde fourberie. D’abord, Levoi retrouve ses lunettes sur le visage de l’officier de la police tribale Crow Horse, et essaye alors de les ré-échanger contre la pierre en question, mais il ne récolte que des rires. Le vieux sage, sous-tendant le mystique, l’avait en réalité complètement arnaqué. Plus tard, lors d’une cérémonie, Levoi s’énerve et prend en joue Crow Horse. Le vieux sage crie alors “Arrêtez, arrêtez, vous me rappelez deux vieilles femmes !” (Knock it off! Knock it off! You remind me of a couple of old women!) dans un anglais parfait. Levoi s’en étonne et le vieux rigole lentement avant de les inviter chez lui, pour regarder la télévision. A la fin du film, tout chamboulé, Levoi échange sa rolex contre la fameuse pipe et quelques bibelots. Thunderheart joue ainsi habillement du personnage de l’Indien stoïque et mystique, qui se trouve finalement plus intéressé par les montres et les arnaques. Le personnage gagne alors une individualité rare, avec ses sourires et son amour pour la télévision. Cette image nous montre aussi un rapport poreux entre les cultures. Levoi, de son côté, admet aussi l’importance de la culture indienne, sans chercher à se l’approprier.

Dans Wind River, le mystique est aussi descendu en flèche, quand un personnage en deuil, le visage peinturluré, confie à Lambert qu’il vient d’inventer les motifs. Le mythe du Western a aussi un lourd poids sur les jeunes, quand au début du film, le fils métisse de Lambert monte à cheval. Fier, il dit à son père qu’il ressemble à un cow-boy. Mais Lambert le corrige, c’est un Arapahoe.[2]Tribu indienne vivant dans les plaines de l’est du Colorado et du Wyoming. On voit alors tout le problème de la projection des Amérindiens sur l’écran, qui ont l’habitude de se voir perdre.

Smoke Signals propose aussi un mouvement comique autour de ces clichés venus d’Hollywood. Victor est un homme en pleine santé, aux longs cheveux bruns, qui arbore une chemise de bûcheron. Thomas face à lui porte un costume, et a les cheveux en natte.  Dans le bus pour Phoenix, un dialogue commence entre eux. Victor lance d’abord à Thomas qu’il a vu une centaine de fois Dances with wolves, avant de lui demander s’il sait ce que c’est que d’être un vrai Indien. Devant l’ignorance de son ami, il décide alors de lui expliquer : d’abord, arrêter de sourire comme un idiot, un Indien n’est pas censé rire mais être stoique. Il doit ressembler à un guerrier. Mais Thomas lui rétorque – nous [les Indiens de Cœur d’Alene] n’étions pas des guerriers mais des pécheurs. Victor reprend, ce n’est pas “Danse avec les saumons”, et il ferait mieux de relâcher ses cheveux et d’enlever son costume.

Dans cette scène, nous avons encore une fois un jeu avec les clichés. Thomas, qui depuis le départ raconte de longues histoires l’air inoffensif, pourrait être perçu comme l’indien sage, et Victor lui explique qu’être un vrai Indien, c’est justement être un autre cliché, celui du guerrier, stoique, prêt à tuer un bœuf. Derrière la blague et la dénonciation, on comprend surtout à quel point les Natifs ont intériorisé les images hollywoodiennes. Cela est relevé plus tard lorsque Victor souligne “You know, the only thing more pathetic than indians on TV, it’s indians watching indians on T.V” (Vous savez, la seule chose plus pathétique que les Indiens à la télévision, c’est les Indiens regardant des Indiens à la télévisions.) Dans son essai This is what it means to say smoke signals, Amanda J. Cobb analyse justement la force de ces images sur l’identité des protagonistes.

“Victor may know that his image of a « warrior » is fiction-straight out of a John Ford film but he also may know that it has become real in his everyday dealings and lived experiences with some white people. He must, in effect, become what at least some white people think he is in order to get respect or at least not be run over.”[3]Victor sait sans doute que l’image du “guerrier” est pure fiction d’un film de John Ford, mais il sait aussi qu’il doit la rendre réelle dans son rapport quotidien avec les Blancs. Il doit … Continue reading

COBB, 2003

Dans ces trois films, on voit un habile jeu avec les archétypes du passé, mais surtout l’empreinte qu’ils ont sur les populations elle-même. Un jeune amérindien s’identifie forcément aux images qu’on lui montre, même si elles sont fausses et stéréotypées. Dans le cas de Wind River, nous voyons qu’il peut même choisir l’autre camp. Chris Eyre, le réalisateur de Smoke Signals, expliqua justement en interview,

“I grew up watching all the movies with Indians in them, and I love all of them… the older I get, the more I feel badly about those movies, but not growing up. We all had the wool pulled over our eyes about [the] humiliation of Indians. But when I was young, I didn’t have that sense. We loved just to see ourselves on the screen. We were starved for our own images.”[4]J’ai grandi en regardant tous les films avec des Indiens, et je les aime tous… Plus je vieillis, plus je me sens mal par rapport à ces films, de ne pas grandir. On nous cachait les yeux sur … Continue reading

MILLER, 1998

Persistance et mutation du conflit

Dans Smoke Signals, après que Thomas se soit grimé en guerrier, les deux hommes remontent dans le bus, ou deux cowboys ont pris leur place. S’ensuit un débat, perdant, après lequel les deux Natifs s’assoient à l’arrière du bus. Ils discutent alors de savoir si les Indiens perdent toujours, avant de chanter une chanson comique à propos des dents de John Wayne. 

“John Wayne’s teeth, hey, John Wayne’s teeth, hey, hey, hey, hey! Are they false, are they real? Are they plastic, are they steel? Hey, hey, hey.”

Amanda J. Cobb analyse ce moment comme une victoire. Elle voit dans la chanson une manière pour Thomas et Victor de retourner avec humour la victoire normalement due aux cowboys. Au début de son essai pourtant, Cobb analysait la spécificité de Smoke Signals dans le fait que sa narration ne tenait pas sur le conflit Blanc-Indiens. Il reste néanmoins présent, de manière très frontale. 

Thunderheart et Wind River sont très proches du Western, dans cette manière qu’ils ont de montrer un conflit systématique, la violence. Pourtant, les deux films sont porté par des acteurs blanc, qui sont, ou passent du côté des Indiens. Le conflit traditionnel Cowboy/Indien, est alors poreux, mais cache une nouvelle partition. Dans Thunderheart, Levoi arrive sur la réserve ou deux groupes d’indiens s’affrontent : les anti-gouvernement, militants, et les pro-gouvernement, qui n’hésitent pas à tirer sur leurs opposants. Alors qu’il est d’abord affilié aux pro-gouvernement, son enquête le met sur la trace d’un complot. Il finira par découvrir qu’un programme gouvernemental de mine d’uranium pollue l’eau de la réserve, mettant en péril les populations. Dans cette partition, il n’est plus question de blancs ou d’Indiens, mais de deux nouveaux camps : les Indiens vivant sur la réserve, contre l’extérieur, le profit et le gouvernement, l’opprimé et l’oppresseur. Cette nouvelle partition place le conflit dans une toute nouvelle dynamique, mais garde pourtant les fondements de l’ancienne partition Indiens contre Blancs. La réserve (principalement donc, les Indiens) s’opposent à l’extérieur (principalement, les Blancs). 

Même dans Smoke Signals, l’extérieur de la réserve est montré comme un lieu d’apparence hostile. Quand Thomas et Victor partent pour Phoenix, ils sont pris en stop par des jeunes femmes qui les mettent en garde avec humour.

Velma : You guys got your passports ?
Thomas : Passports ?
Velma : Yeah, you’re leavin’ the rez and goin’ into a whole different country, cousin.
Thomas : But… but, it’s the United States.
Lucy : Damn right it is! That’s as foreign as it gets. Hope you two have your vaccinations ![5]Vous avez vos passeports ? – Passeports ? – Oui, vous quittez la réserve pour aller dans un pays totalement différent, cousin. – Mais… Mais c’est les Etats-Unis – Putain qu’ça … Continue reading

Dans Wind River, le cas est encore similaire : pendant que des tensions existent au sein même de la réserve, entre les policiers et des jeunes déliquants, la tension la plus importante du film est celle qui tourne autour du viol de la jeune femme Nathalie. On découvre que celle-ci sortait avec un cracker, un blanc, travaillant sur le site d’une mine de pétrole. On comprendra ensuite que le copain est mort, tué par ses collègues avant qu’ils violent Nathalie. 

Les hommes travaillant sur la mine représentent alors les antagonistes principaux du film. Ils sont aussi les moins excusables, puisque les jeunes délinquants sont montrés comme victimes de la pauvreté, de la réserve (et par extension, de la politique). À la fin du film, l’un deux tente de s’excuser en critiquant l’atmosphère sordide du lieu, la neige et le silence. Avant de l’exécuter, Lambert lui répond alors,

LAMBERT : My family’s people were forced her ; stuck here for a century. That snow, and silence, it’s the only thing that hasn’t been taken from them. So what do you take ?[6]LAMBERT : Les ancêtres de ma famille ont été parqués ici ; bloqués ici depuis un siècle. Cette neige, ce silence, c’est la seule chose qu’on ne leur a pas pris. Qu’est que tu prends ?

On voit alors dans cette réplique, pourtant entre deux blancs, l’opposition entre les deux camps, l’exploitation de la réserve par les étrangers. “Qu’est que tu prends ?” nous amène directement à toute l’Histoire américaine, au génocide, au pillage et au déplacement des populations autochtones. Mais si cette réplique est la reconnaissance du passé, c’est aussi la preuve d’une continuité. Aujourd’hui encore on pille la terre des Amérindiens, et on viole leurs femmes. Le conflit traditionnel entre Blancs et Indiens s’est donc transformé, dans une dynamique plus large d’oppression. D’abord réaliste, cette évolution reflète surtout l’évolution des mentalités à propos du génocide des populations autochtones. Il est néanmoins intéressant de noter que les ethnies se mélangent, mais aussi que Smoke Signals fonde sa narration sur un autre conflit, celui entre les générations. Venant de la part d’un réalisateur amérindien, on sent alors la volonté d’un apaisement, d’un vivre ensemble.

Réalités & espoirs

Cherchant à se séparer des images du passé, mais restant dans les mêmes dynamiques de conflit, les films nous apportent surtout une vision quasi-documentaire de la vie en Réserve. Pour Smoke Signals, c’est évident sans être marqué, puisque l’idée même du film est celle d’un acte de réappropriation de la représentation amérindienne. On y voit alors les familles, la réserve, les radios locales et les routes, mais aussi des rez-cars, ces voitures qui tiennent avec des bouts de ficelles. Le film, s’appropriant la forme classique du buddy-movie, montre de nouveaux personnages, et nous apporte un témoignage de leur mode de vie. 

Dans Thunderheart, l’arrivée dans la réserve se fait sous les commentaires de Sam Shepard, qui sur les images d’habitation vétuste dit “Voilà le tiers-monde juste au milieu des Etats-Unis.” (We got the third world smack dab in the heart of America). La caméra panotte alors sur les mobil-homes, les hommes au chômage, les enfants jouant dans les déchets. Plus tard, on surprend aussi une cérémonie indienne, où est arrêté un certain Jimmy, joué par un grand nom de l’activisme amérindien John Trudell. Son rôle, proche du réel, donne une grande valeur au film, car on imagine alors que le scénario a été approuvé par Trudell, prouvant la bonne foi des images montrées précédemment. Plus tard, nous assistons aussi à un pow-wow.

Pour Wind River, l’accroche au réel est aussi très forte. Tom Sheridan, le réalisateur et scénariste, a en effet écrit le film pour éveiller l’intérêt sur le problème de disparition et de violences faites aux femmes indigènes. Aux Etats-Unis, une femme indigène sur trois est violée, soit 2,5 fois plus qu’une femme blanche. Contrairement à tous les autres groupes raciaux, ces violences sont majoritairement perpétrées par des personnes extra-ethniques.[7]C’est à dire par des Blancs sur des Indiens, par exemple, et non Indien/Indien. Les autres populations ont une majorité de violence intra-ethnique. Source : Bleir. Dans certains comtés indiens, le nombre de meurtre de femmes natives est 10 fois supérieur à la moyenne nationale. L’université du Nord Dakota a aussi trouvé une corrélation entre la production de pétrole dans la formation de Bakken et les viols sur les femmes amérindiennes de la zone. Ainsi, tout ce qui se joue dans Wind River est profondément d’actualité, et comme dans Thunderheart, le film s’applique à documenter le réel. Il nous mène aussi auprès de jeunes, vivant dans un mobil-home décrépit, drogués. Là encore, la triste représentation est réelle, quand on sait que depuis 1974, les amérindiens ont le plus haut taux d’abus de drogue (American Addiction Center). 

Derrière ces représentations, c’est surtout la question de l’espoir qui se pose. Peut-on encore avoir de l’espoir pour ces populations qui vivent dans une systématique pauvreté depuis des siècles. Là encore, nous rejoignons les représentations passées, et l’idée de l’Indien mourant (Dying indian), à la fois physiquement et culturellement. Le journaliste natif Jason Asenap, a en effet loué l’intelligence de Wind River et son traitement de la question des femmes indiennes, mais aussi critiqué sa négativité.

“At least in Hollywood, the Indians die. To this day, the Indians die, and not just physically, but culturally. Simpson and Sheridan are invested in making us see how America has screwed Native people, but to the point of rubbing it in our faces. Is it so terrible to live in one’s own homeland? It may be hard to get out, but it certainly feels condescending for a non-Native to write as much.”[8]Au moins, à Hollywood, les Indiens meurent. A ce jour les Indiens meurent, et pas que physiquement, mais culturellement. Simpson et Sheridan sont investis à nous montrer comment l’Amérique a … Continue reading

ASENAP, 2017

Smoke Signals présente aussi un cas intéressant. En effet, une grande partie du film tourne sur l’alcoolisme du père de Victor, ce qui nous ramène au stéréotype de l’Indien alcoolique, présentant ainsi une vision très négative. Dans Celluloid indians, Kilpatrick explique que le film, sous le spectre de l’alcoolisme, de l’injustice, et de la solitude, montre des Indiens sans espoir. Mais Cobb dément cette affirmation, en rappelant qu’il est clairement montré que les jeunes ne boivent pas d’alcool, Victor et Thomas s’en défendant face à la police. Ainsi, Smoke Signals montre le problème de l’alcoolisme, tout en montrant l’espoir. À la fin du film, Victor jette les cendres de son père, pendant que la voix de Thomas commente sur l’idée de succession, de pardon.

Thunderheart, tout en montrant une réalité des plus crues, propose le plus gros happy-end de l’ensemble de nos trois films, quand une armée d’Indiens prend en joue les pro-gouvernement, regagnant ainsi leur souveraineté.

L’identité amérindienne est aujourd’hui inséparable de sa représentation par l’industrie cinématographique Hollywoodienne. A travers les années, leur représentation a évolué, pour devenir plus fine dans les années 70. Pourtant, les Indiens sont trop souvent encore des personnages sans profondeur auxquels s’accrochent les clichés du Western. Pour les natifs vivant de nos jours, les représentations du passé sont une réalité quotidienne, qu’il doivent toujours disputer. Le conflit entre les populations semble pourtant difficile à éteindre, et la forme du western se mue aujourd’hui sur les questions d’oppression systémique, replaçant la minorité indienne dans un ensemble plus vaste de revendications. Les films contemporains, souvent de bonne foi, dressent surtout un dur portrait de la vie en réserve. La culture native est à jamais absorbée dans l’amérique, et même si il existe des films d’auteurs inuit comme Atanarjuat, qui revisitent les mythes autochtones, la voix de la réappropriation est sans doute celle qui passe par Hollywood, cherchant alors à réaffirmer une identité à l’endroit même où elle fut souillée, à l’endroit même où l’audience est large. Smoke Signals, en ce sens, est un exemple, car il se sert d’une forme classique pour permettre l’émergence d’une nouvelle voix. Dans le futur, c’est surtout l’espoir que l’on aimerait voir surgir, celui qui a Hollywood, pour les Indiens, n’a encore presque jamais existé.


Bibliographie

AMERICAN ADDICTION CENTER, Alcohol and drug abuse among native american, consulté le 21 Avril 2021.

ASENAP, Jason, 2017. « Why do white writers keep making films about Indian Country?« . High Country News, consulté le 21 Avril 2021.

BLEIR, ZOLEDZWIOWSKI, 2018, Murdered and missing native american women challenge police and courts, The Center for Public Integrity, consulté le 21 Avril 2021.

COBB, Amanda J. This is what it means to say smoke signals, dans ROLLIN, Peter., Hollywood Indian’s, The portrayal of the american Native in Film, The university press of Kentucky, 2003.

DIAMOND, Neil. Reel Injun, 2009

GILIO-WHITAKER, Dinan, ‘Real’ Indians, the Vanishing Native Myth, and the Blood Quantum Question, 2015, édité en 2018, consulté le 21 Avril 2021

KILPATRICK, Jacquelyn, Celluloid Indians, University of Nebraska Press, 1999.

MILLER, Prairie. « Smoke Signals: Director Chris Eyre Interview. » Star Interviews, 1998, p.1. 

References

References
1 Peuple autochtone d’Amérique du nord.
2 Tribu indienne vivant dans les plaines de l’est du Colorado et du Wyoming.
3 Victor sait sans doute que l’image du “guerrier” est pure fiction d’un film de John Ford, mais il sait aussi qu’il doit la rendre réelle dans son rapport quotidien avec les Blancs. Il doit en effet devenir ce que les Blancs pensent qu’il est, pour avoir le respect et ne pas se faire marcher dessus.
4 J’ai grandi en regardant tous les films avec des Indiens, et je les aime tous… Plus je vieillis, plus je me sens mal par rapport à ces films, de ne pas grandir. On nous cachait les yeux sur l’humiliation des Indiens. Mais quand j’étais jeune, je n’en savais rien. On aimait juste se voir à l’écran. On rêvait de nos images.
5 Vous avez vos passeports ? – Passeports ? – Oui, vous quittez la réserve pour aller dans un pays totalement différent, cousin. – Mais… Mais c’est les Etats-Unis – Putain qu’ça l’est ! On ne fait pas plus étranger. J’espère que vous avez fait vos vaccins !
6 LAMBERT : Les ancêtres de ma famille ont été parqués ici ; bloqués ici depuis un siècle. Cette neige, ce silence, c’est la seule chose qu’on ne leur a pas pris. Qu’est que tu prends ?
7 C’est à dire par des Blancs sur des Indiens, par exemple, et non Indien/Indien. Les autres populations ont une majorité de violence intra-ethnique. Source : Bleir.
8 Au moins, à Hollywood, les Indiens meurent. A ce jour les Indiens meurent, et pas que physiquement, mais culturellement. Simpson et Sheridan sont investis à nous montrer comment l’Amérique a fait souffrir les Natifs, au point qu’ils nous en tartinent le visage. C’est si terrible de vivre chez soi ? C’est sans doute dur de s’en sortir, mais certainement condescendant pour un non-natif d’écrire ça.

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