L’élevage en fût

C’est une analogie bien trop bancale qu’on ne se refuse pas. Il existe une ressemblance, évidente, entre la production du vin et celle d’un film. Commençons par des vignes, toutes simples, de grandes lignes bien droites comme des mots sur un papier. L’hiver, on taille, on se laisse vivre, un peu. Au printemps, on épampre, on lève les rangs… On prépare. Et puis, chaque année, à la fin de l’été : les vendanges, le tournage. Le temps nous est compté, il faut ramasser tout ce raisin avant qu’il ne pourrisse sur pied. On laisse passer la pluie. On appelle ses amis parce qu’il faut plus de bras ! Plutôt commencer par le haut de la propriété, là ou le raisin est le plus mûr. On tourne des scènes dans le désordre, on bois un canon à la pause, on porte des caisses de raisin ou des projecteurs.

La vigne alors vidée de ses fruits reprend sa lente maturation. On espère que l’année prochaine sera aussi bonne. Ou frappée par le Mildiou ? Ce dont on parle moins, c’est sans doute ce que préférait mon grand père, seul dans son chai, la baffle branchée sur Radio Classique. L’homme regarde ses cuves, il verse le vin dans des petites éprouvettes, le teste… le goûte. C’est la vinification – ou – la post-production ! On monte grossièrement le film, cuve en inox, première fermentation… Et puis, en fonction du vin, on l’éleve en fût de chêne, de quelques mois à quelques années. Plus court, et vous êtes sur le fruit, la jeunesse, la fraîcheur ! Et voilà Lettre à John, quelques mois de post-production pour 1h30 de film ! Plus long, le temps que les arômes infusent, le vin se complexifie…

Mon prochain film, Projections Imaginaire, est coincé dans le fût. Il macère là tranquillement, se concentre au fur et à mesure que la part des anges s’évapore… C’est fou de se dire qu’il m’aura fallu autant de temps pour faire un film d’1h30 qu’un de 8 minutes… Ce qui avait commencé comme une petit blague s’est lentement transformé en projet pharaonique : VFX et générique à la Saul Bass, session studio et post-synchro. Ce vin, c’est pas du nature ! Je vous le dis. C’est une sorte d’assemblage très compliqué, et Coppola m’en dira des nouvelles. Allez, j’ouvre le fût dans quelques jours, j’espère que tout ça aura bon goût.

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