Jordan Peele, Ari Aster, Robert Eggers, et maintenant Zach Cregger. Voilà quelques années que presque tous les réalisateurs émergent du cinéma d’horreur outre-Atlantique. Comme un portrait de l’Amérique, bien sûr, car Hollywood n’a toujours été que son substrat, une Amérique terrifiée, en perte de repères, qu’Aster a bien décrit dans son dernier Eddington — présent à Cannes, mais qui souffre de la comparaison avec Évanouis (Weapons). Le second film Zach Cregger.
C’est juste bon ! Purement et simplement bon, et on regretterait presque de ne pouvoir s’arrêter là, pour dire : courez-y ! Oui mais justement, il y a cette manière de courir, les deux bras en arrière, le corps élancé comme luttant contre un vent de face, tout droit, filant comme une balle dans le silence de la nuit. Le film s’ouvre sur ça : des enfants qui courent dans la nuit. La scène est d’une rare poésie : la musique, les légers panoramiques, tout ça nous plonge dans une scène à la fascinante beauté. Car ce qui ressemble à une fugue organisée, est en fait le coeur de l’horreur, des enfants qui courent sous emprise, pour aller ou ? Disparaître.
L’art de la fugue, ou celui des mélodies qui se jouent ensemble en contrepoint. Zach Cregger arrive à nous émerveiller et à nous terrifier. Plus encore, les deux éléments existent au sein du même plan. S’il est devenu à la mode de dire : ce film saute d’un genre à l’autre ! — je crois que Cregger réussit dans ce film quelque chose de bien supérieur : faire exister dans le genre des contrepoints, faire jouer tant de mélodies à la fois qu’on y reste envoûté. Dans la grande salle des Halles, les spectateurs sont partagés : certains pleurent de rire, d’autre se cachent les yeux.
Le film de Cregger est purement un film d’horreur – ne nous y méprenons pas. Mais il est justement, toujours en fugue : poétique, comique, dramatique, ou simplement violente. Le film est construit de la plus belle des manière : par une suite d’étude de personnages, qui fait lentement mais sûrement avancer l’intrigue. Chaque personnage (le flic mollasson, la prof en roue libre, le père macho etc) est aussi attachant que faillible, tous profondément vrais. Se dessine alors l’Amérique et le monde entier : loin, si loin les uns des autres – connectés par intérêt ou rare moments de répit, mais à jamais séparé par les cartons d’une narration non-linéaire. Chacun croit être dans le bon, mais sans le collectif, rien ne fonctionne. Alors des enfants tirent sur d’autres (l’analogie du titre originel avec les tueries de masses) ou fuguent quand les adultes se droguent ou refusent simplement de faire attention. Quoi de mieux que le cinéma et l’œilleton de la caméra pour décrire ces affreuses œillères que nous portons tous ?
Eddington et Weapons se répondent évidemment — l’un restera comme une bizarrerie sociologique, quand l’autre sera a jamais un grand film, tant esthétiquement qu’humainement.
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