Il y a un complot qui rôde dans notre monde. Un complot féministo-progressiste, orchestré par je ne sais quel exploitant, je ne sais quel distributeur, je ne sais qui contrôle le cinéma Parisien contre le gré des spectateurs. Les faits sont ceux-ci : en grande pompe, au MK2 Odéon, je vois la bande annonce d’un film : Iron Claw. C’est un film sur des catcheurs. Il sort le 24 Janvier 2024, mais disparaît presque instantanément de l’écran du même MK2. A peine une semaine plus tard, le mercredi soir, il est remplacé par Poor Things, Priscilla, May December… Le film disparaît. Échec commercial pensais-je donc. Ce sont des choses qui arrivent. Mais ce film avait vraiment l’air bien ! Alors, 2 semaines et demie après sa sortie, le dimanche 11 Février, je me rends aux Halles, dans ce cinéma du malin qui passe les films aux destins tragiques jusqu’à épuisement des stocks. Dimanche 11, 20h30 : COMPLET. Je reviens le lendemain, Lundi 12 : COMPLET. Deux fois, je me retrouve avec ma petite copine à errer dans les couloirs malfamés du complexe commercial… Deux fois, nous rentrons bredouilles. Je retourne au cinéma le Samedi 17 Février, la journée est exceptionnelle. Le réchauffement climatique nous donne un aperçu du printemps, le soleil vient à peine de se coucher, et d’emporter avec lui tous nos rêves de douceur. La séance est à 18h40 : COMPLET. J’attends 20h30 et rentre dans une séance complète. Jamais, oh grand jamais je n’avais vu ça. Même Nolan ou Villeneuve ne peuvent pas en dire autant : ce film est complet à chaque séance !!!! Mais quel est donc ce complot qui nous a privés de ce film, qui l’a relégué là, au fin fond du plus grand cinéma du monde ? Qui veut nous cacher ce film ?
Iron Claw est une merveille de cinéma Américain, tout ce qu’on aime et bien plus encore. Il aborde son sujet : des catcheurs, avec l’intelligence et l’esprit d’un Kubrick de 3 ans : douce ironie, mais construction lapidaire d’une narration qui voit se dévoiler les entrailles d’un système affectif biaisé. Celui de 4 frères, incapables d’aimer, incapables de tout, sauf de se battre. Iron Claw est un grand film sur la brotherhood, et si je n’ai pas de frères, je peux au moins y voir l’extrapolation de cette relation au domaine du mythique. Les frères se battent entre eux, mais on le sait, ils se donnent parfois faussement les coups. On tape son frère avec l’amour contenu d’un biceps atrophié. On fait un peu semblant, comme au catch. Durkin dresse alors l’enchevêtrement inarrêtable des destins, de ces hommes qui ne savent pas qui ils sont, qui sont invariablement des enfants, des adolescents contrôlés et adulant leur père qui les écrasent. Le comique du début se tourne lentement mais sûrement en une tragédie inoubliable, et ces frères qui font semblant n’auront pas fait semblant de mourir. Au milieu de tout ce faux : la réalité emporte tout. Les garçons ne pleurent pas disait Dinos, « je suis un homme, alors je pleure. »
Ce que réussit Durkin avec son petit budget américain (15M.), Lánthimos, Sofia ou Haynes le ratent avec chacun 25-125% de plus. C’est étrange comme tous ces films se ressemblent un peu, comme chaque fois il est question d’une emprise psychologique, parentale, amoureuse. Mais Durkin réussit mieux que tous : l’empathie. Car si les autres parlent des femmes, en grande pompe, féministes, Durkin ne séduit pas les distributeurs parisiens par un trop-plein de Biceps. Durkin ne séduit pas le bourgeois parisien, mais il séduit le public des Halles, qui est ressorti, je vous l’assure : galvanisé par l’émotion. Alors je regrette que ce film n’ait pas la place qu’il mérite, car il traite avec autant d’intelligence, moins de prétention, et peut être plus de cinéma (ce cinéma humble comme on l’aime, ce cinéma de tradition) le même sujet que tous les films dont on parle : l’emprise, la libération.
Alors je pleure.